TRADUCTION DE L'ANGLAIS

Lettre ouverte adressée à :

The Honourable Hilary Rodham Clinton
The White House,
1600 Pennsylvania Avenue
WASHINGTON DC 20500
USA

FAX  / 00 1 202 456 2461

Paris, le 11 mars 1999


Madame la Présidente,

Nous voudrions tout d'abord vous dire combien nous nous réjouissons de
votre prochaine visite dans notre cher pays la Tunisie. Nous vous
remercions particulièrement pour l'intérêt que vous portez à la 
condition de la femme. La Tunisie est, à cet égard, fière d'être comptée parmi les
tous premiers pays du monde arabe à faire progresser les conditions et 
les droits de la femme, grâce surtout à l'usure de l'ancien Président 
tunisien Habib Bourguiba. 
Vous avez, Madame la Présidente, manifesté, lors de l'annonce de votre
visite dans notre pays, le désir de "voir sur place les progrès 
accomplis par les femmes et de mieux saisir les défis auxquels elles continuent à
faire face ".
Permettez-nous de vous informer, Madame la Présidente, que la femme
tunisienne fait face à un nouveau défi, celui de la dictature policière 
qui lui a imposé le silence, la peur et lui a enlevé tout moyen de se 
défendre elle-même et de défendre ses enfants, et l'empêche d'assumer aujourd'hui
 sa part dans la vie associative et politique du pays.
Cette situation dramatique dont souffre les femmes et les hommes en 
Tunisie n'a cessé d'être dénoncée tant par les organismes gouvernementaux
étrangers, comme celui de votre pays (US State Department Bureau of
Democracy, Human Rights, and Labor) ou en France par le Premier Ministre
Français, ou plus récemment encore par le Comité contre la torture des
Nations Unies, (Rapport du 20 novembre 1998 à Genève), sans parler des
nombreux et incessants rapports alarmants des ONG, comme Human Rights
Watch, Amnesty International, ou la FIDH basée en France : tous ont 
dénoncé la régression alarmante que connaît la Tunisie dans le domaine des 
libertés fondamentales, la liberté d'expression et de pensée, d'information,
d'association, le droit à la vie, à la justice, au déplacement, au
voyage à l'étranger, à l'intégrité physique et morale, et à l'alternance
politique. 
Cette situation ne peut qu'avoir des répercussions négatives pour la
condition féminine dans la société tunisienne. Mais ces conditions
deviennent dramatiques dès que le pouvoir utilise la femme pour exercer 
sur elle des sévices sexuels et humiliants, et en faire un objet de chantage
pour neutraliser les opposants politiques, notamment par la contrainte 
au divorce.
Madame la Présidente, cette dégradation de la situation de la femme
tunisienne est intolérable et nous souhaiterions que vous la dénonciez 
avec toute la fermeté qui s'impose. 
Nous vous demandons aussi, Madame la Présidente, que lors de votre 
visite en Tunisie, vous interveniez énergiquement auprès des autorités 
tunisiennes afin de sauver les trente neuf femmes tunisiennes suivantes qui ont été
citées dans les rapports des organismes de défense des droits de l'homme:



ABDELLI, Hadda, torturée en décembre 1995 au ministère de l'Intérieur à
Tunis, détenue à la prison de Manouba.

ANTAR, Naïma, détenue, a subi des attouchements sexuels dans le bureau 
du directeur de la prison de Bizerte, Ezzedine Nessaibia, en 1995.

AOUIDIDI, Radhia, condamnée à sept ans de prison pour avoir tenté de 
fuir la Tunisie avec un faux passeport pour rejoindre son fiancé, exilé
politique en France. Durant sa détention secrète, elle fut battue et
menacée de viol.

AOUINIA, Naïma, de Sidi Bouzid, incitée au divorce par les autorités, du
fait que son mari est opposant politique.

AROUA, Henda, arrêtée le 4 mars 98, toujours en prison, a besoin de 
soins médicaux.

AYADI, Dorra, de jendouba, incitée au divorce par les autorités, du fait
que son mari est opposant politique.

el-AZBI, Souad, professeur, membre de l'Association Tunisienne des 
Femmes Démocrates, a été violentée en décembre 1997, dans les locaux du 
ministère de l'Intérieur, et ce pour avoir reçu chez elle l'opposant et chef du
Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS). Ses enfants ont été 
également battus à son domicile lors de l'intrusion de la police politique chez 
elle pour l'arrêter. Elle est aujourd'hui menacée dans son travail et on lui 
a interdit d'enseigner dans le Secondaire.

BEN AYAD, Najet, en traitement psychiatrique depuis qu'elle fut torturée
 en avril 1991.

BEN KARMI, Samia, étudiante algérienne qui a accompagné Radhia Aouididi
(voir ce nom) lors de sa tentative de fuir la Tunisie avec un faux
passeport. 

BEN MANSOUR, Aïcha, de Sfax, incitée au divorce par les autorités, du 
fait que son mari est opposant politique exilé en Nouvelle Zélande.

BEN ROUINA, Afef, étudiante, emprisonnée, torturée, a besoin de soins
médicaux.

BEN SALAH, Samira, épouse d'un exilé en Allemagne, terrorisée entre 1993
 et 1997, dénudée au ministère de l'Intérieur, a subi des sévices sexuels,
chantage au divorce, harcelée ainsi que ses filles par l'agent Tahar
Dakhlia. On lui a même enjoint d'épouser celui-ci.

BEN SALEM, Rachida, arrêtée à la frontière libyenne dans une tentative 
de rejoindre son mari exilé. Condamnée de ce fait à 2 ans et 3 mois de 
prison.

BEN SEDRINE, Sihem, sans passeport.

BEN OUNIS, Khédija, 65 ans, de Kalaa Seghira, harcelée depuis 1995, son
fils, réfugié politique en France, n'a plus pu prendre contact avec 
elle.

BOUKHRIS, Mahjouba, 35 ans, trois enfants, son mari est prisonnier
politique, elle purge une peine de sept ans de prison pour " collecte de
fonds non autorisée " et appartenance à " bande terroriste " sans aucune
preuve.
CHAHBANI, Khéria, 4 enfants, incitée au divorce par les autorités, du 
fait que son mari est opposant politique. Elle vient d'être empêchée 
d'embarquer pour l'Europe en décembre 1998 pour rejoindre son mari Ahmed Ourghemi.

CHARBATI, Souad, mère de 4 enfants, purge actuellement une peine de sept
ans de prison pour avoir tenté en août 1995 de rejoindre son mari en
passant clandestinement par la frontière libyenne.

CHOUROU, Zohra, soeur de Sadoq Chourou, opposant, condamné à perpétuité, 
est sans passeport.

DEROUICHE, Imane, étudiante, torturée, emprisonnée, a besoin de soins
médicaux.

DRISS, Leila, détenue, a subi des attouchements sexuels dans le bureau 
du directeur de la prison de Bizerte, Ezzedine Nessaibia, en 1995.

DRISSI, Latifa, d'El-Fahs, 28 ans, soeur d'exilé, mère de 2 enfants,
condamnée en juillet 95 pour " collecte de fonds non autorisée ".
Actuellement en prison et souffrante du coeur.

GHARBI, Sihem, détenue, a subi des attouchements sexuels dans le bureau 
du directeur de la prison de Bizerte, Ezzedine Nessaibia, en 1995.

GUELLATI, Jalila, subit actuellement un contrôle administratif (5 fois 
par jour).

HAJJI, Zohra, de Sfax, épouse d'un exilé en Autriche, mère de trois
fillettes, menacée de viol en avril 93, avec attouchements sexuels,
contrainte de demander le divorce. Passeport confisqué, puis rendu, puis
 à nouveau confisqué lorsqu'elle fut empêchée d'embarquer en juillet 98.

HAMMAMI, Halima, journaliste à Radio Tunis, a été licenciée de son 
travail après avoir exprimé lors d'un reportage sur les élections 
présidentielles en France (en 1995) son admiration pour Jacques Chirac pour avoir été 
élu à 52 % seulement et pour avoir osé se déplacer sur les Champs Elysées sans
garde-corps.

JALLADI, Monia, détenue, a subi des attouchements sexuels dans le bureau
 du directeur de la prison de Bizerte, Ezzedine Nessaibia, en 1995.

JALLATI, Jalila, 4 enfants, torturée de nombreuses fois (jambe 
fracturée),a purgé un an de prison, incitée au divorce par les autorités, du fait 
que son mari est opposant politique. Sous contrôle judiciaire, elle continue
d'être harcelée et empêchée de quitter le pays.

KCHOUK, Souad, détenue, a subi des attouchements sexuels dans le bureau 
du directeur de la prison de Bizerte, Ezzedine Nessaibia, en 1995.

KHARDANI, Hayya, arrêtée en septembre 1991 parce que son frère est
recherché.

LAGHA, Ouidad, épouse de Ali Larayed, dirigeant du mouvement religieux
emprisonné, fut déshabillée dans les locaux de la police et filmée.

MEZIGH, Fathia, de Tataouine, incitée au divorce par les autorités, du 
fait que son mari est opposant politique.

NAJJAR, Emna, mère de 4 enfants, épouse de Sadok Chourou, opposant 
condamné en 1992 à perpétuité, persécutée ainsi que ses filles, notamment 
empêchée de visiter son mari en prison.

NASRAOUI, Radhia, Avocate, mère de deux filles, persécutée pour avoir 
pris la défense des victimes des violations des droits de l'homme. En 
instance de jugement. (Cf. US Country Report 1998)

NEFFATI, épouse de Ali Neffati, incitée au divorce par les autorités, du
fait que son mari est opposant politique.

SAADALLAH, Zohra, mère de trois enfants, dont le mari vit en exil, 
continue d'être harcelée par la police, empêchée de quitter la Tunisie.

SAADANI, Jamila, a subi des violences policières en 1991.

SOUILEM, Saloua, arrêtée le 28 mai 1996 selon US Country Report 98.

TOURJMAN, Nabiha, 24 ans, condamnée avec Latifa Drissi à deux ans de 
prison pour des motifs fallacieux.

YACOUBI, Najet, Présidente de l'Association Tunisienne des Femmes
Démocrates, sans passeport.

        Madame la Présidente, toutes ces femmes : célibataires, mariées
 et mères ont le droit humain de vivre en paix, et de préserver leur dignité
 de femme. Nous appelons à l'arrêt immédiat des viols et des abus sexuels 
sur ces femmes dans les locaux de la police et dans les prisons. Ces femmes
demandent de vivre avec leurs maris, de les rejoindre dans l'exil ou de 
les visiter dans les prisons. Celles qui sont en prison demandent à être
libérées, à vivre en paix, à pouvoir travailler et à protéger leurs 
enfants de la terreur policière. Les femmes tunisiennes vous seraient
reconnaissantes si vous preniez en considération ces demandes et si vous
exprimiez votre solidarité avec ces femmes.


        Madame la Présidente, le 4 mars dernier, à l'occasion de la 
Journée de la Femme, quand vous avez annoncé votre prochaine visite en Tunisie, vous
aviez affirmé " qu'on ne pourrait plus tolérer que l'on dise que les 
abus et les mauvais traitements des femmes sont un fait culturel. Ces abus
devraient être qualifiés plutôt par ce qu'ils sont : des crimes ! " En
Tunisie, Ben Ali va sûrement vous expliquer que " les abus et les 
mauvais traitements subis par les femmes en Tunisie sont tolérables : pour des
raisons sécuritaires ". Les femmes qui sont persécutées, abusées et
humiliées en Tunisie ont leur propre réponse à Ben Ali : " Nous ne 
vivons pas en sécurité : mais dans la terreur ! "

        Au nom du peuple tunisien nous vous souhaitons la bienvenue en
Tunisie, et nous souhaitons que votre visite soit bénie pour ces
trente-neuf femmes.

Recevez, Madame la Présidente, l'expression de notre haute 
considération,
Vive l'amitié et la solidarité entre les femmes tunisiennes et 
américaines.

Signé : 
Dr Mondher Sfar, au nom du Collectif de la Communauté Tunisienne en 
Europe,
1, rue Cassini, 75014 Paris, Tél. : 01 43 29 68 98 ; Fax : 01 43 29 26 
79 ;
e-mail : cassini@compuserve.com

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