Quel crédit accorder aux dites avancées démocratiques?

Allons nous subir les agissements de l'administration de la police, toutes les humiliations ?


Monsieur le Président Ben Ali :

Demander à ses services du Ministére de l'intérieur de cesser le harcèlement des citoyens; car il y va de la crédibilité des efforts que fait le pays pour son image face à ses citoyens.


T.Ben Briuk dans le collimateur du pouvoir tunisien


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Posté par CRLDHT@aol.com le 29/4.

C.R.L.D.H.  Tunisie
Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
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membre du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme 

Communiqué

Le journaliste tunisien indépendant Taoufik Ben Brik est de nouveau dans le 
collimateur du pouvoir tunisien. 

Correspondant du journal La Croix et de l’agence de presse française Syfia à 
Tunis, membre du Comité de liaison du Conseil national pour les libertés, T. 
Ben Brik a été empêché le 28 avril de quitter le territoire tunisien. Alors 
qu’il se rendait en Suisse pour assister à une conférence, T. Ben Brik s’est 
vu confisquer son passeport par la police des frontières. Il a été convoqué 
le lendemain au ministère de l’Intérieur pour des éclaircissements au motif 
qu'il manquait une page à son passeport.

Nous publions ci-dessous la lettre de Taoufik Ben Brik …
Où est passée la page 28 ?  Ou conte de la police ordinaire

Je viens de vivre une aventure peu commune. Une histoire incroyable où 
l’absurde le dispute au ridicule, une histoire qui prêterait à rire si elle 
n’était pas symptomatique d’une grave pathologie dont souffre mon pays, un 
mal qu’on appelle couramment la « flicose » et qui tiendrait à la fois des 
maladies infectieuses et de la parasitologie.
Invité par le Festival Médias Nord Sud, je devais me rendre, hier, à Genève. 
A midi 15 comme n’importe quel voyageur, j’enregistre mes bagages et me 
prépare à effectuer les formalités de douane et de police. Tous mes documents 
sont en ordre : billet, bordereau de change, fiche d’embarquement, visa … 
Comme je suis anxieux lorsqu’il y a trop d’uniformes au m2 et que ma mémoire 
me joue alors des tours, j’ai pris soin d’épingler le timbre fiscal exigé à 
la page 28 de mon passeport, c’est-à-dire tout bonnement, au chiffre 
correspondant à la date de mon départ.
Je me présente au guichet où un agent de police, courtois et souriant contre 
toute attente, fait son devoir avec diligence : il vérifie, contrôle, 
tamponne sans sourciller les documents que je lui présente. C’est bien, me 
dis-je rassuré, il n’a pas de consigne. Naïf, je me vois déjà dans l’avion 
regardant avec compassion l’hôtesse de l’air expliquer pour la énième fois 
l’usage du gilet de sauvetage. Le rêve allait être de courte durée. A 
l’instant même où il allait me remettre mon passeport, une pulsion soudaine 
pousse l’agent de police à y jeter un dernier coup d’œil avant de s’écrier 
sur un ton faussement surpris : « tiens, mais il manque une page » ! La page 
28, justement! Celle où j’avais accroché, il y a quelques minutes à peine, le 
fameux petit timbre fiscal. Le timbre est là, on me le rend d’ailleurs, mais 
la page 28 a disparu.

C’est clair: on ne veut pas que je parte, on ne veut pas que je dispose d’une 
tribune internationale où j’aurais pu dénoncer la dérive policière du régime.
Je proteste mais je sais que ces décisions sont prises ailleurs, plus haut … 
très haut ! La police des frontières me remet alors un petit bout de papier 
blanc à en-tête du ministère de l’intérieur, c’est une convocation pour 
fournir des éclaircissements sur la page manquante ! je n’ai pas le choix.
Etre convoqué par la police est toujours une épreuve. Même, comme c’est mon 
cas, lorsqu’on commence à en avoir une certaine expérience, on ne peut rester 
indifférent face à cette machine conçue pour humilier, face à cette violence 
latente qui ne demande qu’à s’exprimer et qui s’exprime souvent. Ce matin, 
donc à 9 h tapante, je me présente à la Direction des frontières et des 
étrangers. Coutumier de ce type d’invitation, je sais que je vais devoir 
patienter longtemps avant d’être reçu. Non pas que ces messieurs soient 
nécessairement débordés de travail, mais il s’agit de mettre ceux qu’on doit 
interroger en position de faiblesse, les énerver, faire monter en eux 
l’angoisse et le sentiment d’impuissance. L’architecture de la salle 
d’attente y contribue, bien sûr : 12m2, sans fenêtre, avec pour tout confort 
une série de chaises en Formica, alignées contre le mur. Et puis il y a les 
autres … la peur, la tension, l’angoisse qui se communiquent des uns aux 
autres. Chaque personne qui attend et qui a peur transmet son inquiétude et 
devient, ainsi, un mécanisme du système à produire de la peur. Ce type, là, 
qui me regarde … ses yeux semblent répéter la phase de Julio Cortazar : « la 
vie est une salle d’attente ».
A midi passé, le sous-directeur du service, un fonctionnaire dénommé Lotfi 
Sghaïer, me reçoit enfin. Normalement, si la vie dans « la Tunisie de Ben Ali 
» obéissait au simple bon sens, j’aurais dû être en position de demander des 
comptes : « qu’avez-vous fait de ma page 28? ». Mais non, ici, le monde 
marche sur sa tête et l’accusé, c’est moi! Je suis soupçonné des pires 
méfaits : aurais-je arraché une page de mon passeport pour masquer une 
opération de change ou l’importation d’un quelconque véhicule ? A moins que 
je n’ai eu ainsi l’intention de cacher un voyage antérieur dans un pays peu 
recommandable ?? Mais existe-t-il encore un Etat que les Tunisiens n’auraient 
plus le droit de visiter depuis que nos autorités ont jugé bon d’appuyer le 
processus de normalisation israélo-arabe?
J’explique tout cela au fonctionnaire qui m’interroge mais celui-ci semble 
surtout contrarié que je refuse de signer le PV rédigé de manière à me 
compromettre. Finalement, j’obtiens gain de cause et le procès-verbal reprend 
textuellement mes paroles. Mais ce n’est qu’une maigre victoire car, comme 
tant d’autres Tunisiens dont le seul tort est d’avoir exprimé des opinions 
indépendantes, je suis désormais interdit de voyage.
Quelle morale tirer de cette histoire sinon que la politique du « tout 
sécuritaire », c’est l’insécurité totale des individus face à la police.

Taoufik Ben Brik
Tunis le 29 avril 1999.
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